Extrait de Vie Publique du 22 février 2022 : « Trois ans après avoir remis un premier rapport sur les inégalités d’accès au numérique, la Défenseure des droits dresse un bilan contrasté des mesures mises en place par le gouvernement pour développer l’inclusion numérique.
En 2021, près de 115 000 réclamations ont été adressées à la Défenseure des droits dont 91 000 concernent les services publics, selon les chiffres publiés dans le rapport présenté par l’autorité indépendante le 16 février 2022.
La dématérialisation des démarches administratives représente une part significative de ces dossiers. Dès octobre 2017, une démarche globale d’amélioration de la qualité du service numérique a été mise en place dans le cadre du lancement du plan Action publique 2022. Mais près de 35% de la population rencontre toujours des difficultés pour utiliser les outils numériques ».
Le témoignage qui suit montre bien la complexité de certaines démarches dématérialisées qui deviennent rapidement le parcours du combattant : diversité des interlocuteurs qui ont chacun leur logique administrative, formulaire qui ne prend pas en compte les demandes spécifiques, démarches longues, risque de déconnexion… Autant de freins qui ne relèvent pas des utilisateurs des outils numériques mais des systèmes informatiques mis en place par les administrations et de la quasi impossibilité de joindre un interlocuteur compétent.
« Services publics en ligne, c’est la galère », HOU que oui !
Pour ceux et celles qui vivent les aventures CESU (chèque Emploi Service Universel) pour déclarer leur employée de maison ou pajemploi (déclaration de leur assistante maternelle) pour la garde de leur petit, cette anecdote va vous parler. Je viens de la vivre. Et ce n’est pas un sketch.
Certes, je vais avoir 70 ans, mais je n’ai pas le sentiment d’avoir mes neurones déconnectés « pas encore ». J’ai connu la pratique de l’informatique dans ma vie professionnelle. Je fréquente l’atelier numérique de Belle Rive parce que le classement des photos… Je fais un blocage, j’en ai conscience. Je fais des recherches sur internet, des commandes, ma déclaration URSSAF, je prends mes rendez-vous médicaux, j’ai activé mon espace santé, bref je pense avoir un comportement plutôt aisé avec l’outil.
Mais voilà, ma femme de ménage démissionne. C’est son droit. Elle va vaquer vers d’autres horizons. Mais si le salarié a des droits et des devoirs, l’employeur aussi. Je m’attelle donc au dossier administratif.
3 documents à éditer et à remettre au salarié dans un délai de 15 jours à l’issue du contrat de travail :
- Solde de tout compte,
- Certificat de travail,
- Attestation pour pôle emploi.
Mais qu’est-ce que l’issue d’un contrat de travail ?
Je me penche sur le logiciel CESU et fait la simulation de sa fin de contrat.
Voyons voir, 5 ans d’ancienneté elle me doit un préavis d’un mois. Elle ne souhaite pas le faire. On ne va pas se fâcher, je vois que j’ai la liberté d’accepter. La fin de contrat est donc à la fin de son préavis qui ne sera pas concrétisé. Jusque-là, j’ai compris. Je passe à l’acte. Je vais m’en sortir. Enfin, je pense.
Je suis ordonnée, le dossier de ma salariée est rangé.
Je tente l’approche des premiers documents.
Premier écueil : pour établir le solde de tout compte, il faut la référence de la dernière fiche de paie, sinon bernique, on ne peut pas accéder aux imprimés.
Oui, mais elle est en arrêt de travail depuis 3 mois. Donc pas de dernière fiche de paie.
Je parcours la boîte à outils du CESU… Pas d’info en ce sens. Je rentre 0 Heure… Le logiciel ne prend pas 0 Heures…
Quid ?
Miracle, sur un précédent document je trouve un 0800 à appeler. Seulement 5 minutes d’attente. Une interlocutrice charmante au téléphone. Et non… le logiciel ne prend pas en compte le 0 Heure. Il faut au moins entrer 1 Heure de travail. Bien bien… Il serait plus clair de nous facturer des frais de dossiers…
Je rentre donc mon heure, ma dernière fiche de paie « bidon » est enregistrée (je paierai quand même des cotisations patronales dessus), je peux enfin éditer certificat de travail et solde de tout compte. J’étais prête à crier VICTOIRE. C’était sans compter sur l’inscription à pôle emploi. AIE AIE AIE.
Je clique là où il faut pour me retrouver dans les méandres de pôle emploi.
Ma petite dame, vous n’avez pas encore d’immatriculation, passage obligé.
Comment fait-on ça… Je tourne, je vire, je trouve. D’abord espace particulier employeur, mot de passe provisoire, puis vous obtenez un compte certifié, puis un identifiant, et je te confirme mon adresse électronique, et bref vous naviguez sans arrêt entre votre ordinateur, votre téléphone portable….
Comment font ceux qui sont éloignés de ces outils ?
Je pense maintenant que ça va rouler tout seul. Ben non…5 ans d’ancienneté, vous devez compléter une fiche reprenant les 3 dernières années de salaire avec : du… au…, nombre d’heures , nombre de jours ou d’heures non travaillés, et… Je vous le donne en mille salaire brut. Donnée qu’avec le CESU, vous n’utilisez jamais. Avec le Chèque Emploi Service Universel tout est facilité (ça c’est vrai). On entre le salaire net mensuel auquel on ajoute les 10% de congés payés et le tour est joué. Le logiciel CESU calcule vos cotisations et avec l’adhésion au CESU+ vous leur déléguez même le fait de prélever sur votre compte le salaire de votre employée et vos cotisations URSSAF. CESU+ intéressant. Pensez à l’éventuel prélèvement à la source si votre salariée était éligible à l’imposition sur le revenu. Je ne m’imagine pas à avoir cela à calculer. Cette adhésion permet de déléguer à l’URSSAF ce travail.
Alors, comment je m’en sors ? Et bien, il me faut revenir sur le logiciel CESU. Rechercher dans « vos déclarations » et éditer les fiches de paie sur 3 ans, car au dos, vous aurez le détail des cotisations patronales et salariales et donc, le salaire brut.
Bon, le temps passe, et je remplis.
Mais maintenant en 3 ans, bien évidemment il y a eu des arrêts de travail et là aussi il faut compléter. Recherchons les arrêts. Surtout Messieurs Dames, gardez bien tous vos justificatifs… Certains arrêts sont sur papier, normal. Et d’autres… J’oublie. Nous sommes au siècle du numérique, donc la facilité, c’est que j’ai des photos d’arrêts de travail, pas classées, mais pas effacées.
Arrêt de travail de telle date, à telle date, motif maladie. Aïe. Ma salariée a aussi bénéficié d’un arrêt maternité et là grand blanc, pas de trace. Aussi je replonge dans les fiches de paie, dans l’agenda, le calendrier et tente autant que faire se peut d’ajuster les dates. Miracle, je pense avoir bouclé la question et je me vois déjà valider ma page. Et bien que nenni. Tout plein d’écritures en rouge me signale que telle ligne n’est pas conforme, telle autre aussi. Allez savoir. Je commence à relire et à bouillir. Et oui, l’informatique, il ne faut pas se tromper de caractère.
Telle ligne j’ai porté 02 :10 :22 et bien non il faut 02/10/2022. D’accord, j’ai compris.
Je vérifie ligne par ligne, porte les corrections, je valide.
Non… Ca marche pas. Les dates d’arrêt de travail se chevauchent. Bêtement j’ai recopié les dates des arrêts de travail établies par le médecin. On sait que le corps médical est aussi fâché avec la paperasserie. Un arrêt de travail ne peut pas s’arrêter et reprendre le même jour lorsqu’il y a prolongation. Donc par exemple un arrêt du 28/11/2022 ne peut reprendre pour la prolongation que le 29/11/2022. Et ainsi de suite. Rebalayons toutes les lignes.
Cerise sur le gâteau, ça serait dommage ! Problème avec l’enregistrement de la date du préavis qui n’a pas été réalisé. Il commence le lendemain de la fin du contrat. Comprenez comme vous voulez, la fin de contrat tient compte normalement pour l’URSSAF du préavis, et bien pour pôle emploi on n’est pas dans la même logique.
Je suis administratrice à Belle Rive. Je sais qu’on vient d’avoir une démission. Martine, notre comptable a donc œuvré sur ses sacro saints documents.
ALLO, Martine, AU SECOURS, je ne m’en sors pas…
On parle de démarches simplifiées à pôle emploi… Plus exactement Attestation simplifiée des particuliers employeurs…
Bilan de l’expérience : 6h30 pour ce dossier.
Quel gain de temps !
Quel gain de papier !
Quel gain de stress !
C’est simplifié ! Quand remettrons-nous de l’humain dans ces méandres.